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Mixité fonctionnelle et sociale

 

Pour être attractifs et susciter l’intérêt d’investisseurs potentiels, les projets de réhabilitation doivent prôner autant la mixité sociale que celle fonctionnelle comme facteurs de croissance économique. De cette façon, l’attractivité n’est pas synonyme d’embourgeoisement, mais de diversité contribuant à la consolidation du tissu, à la cohérence de l’aménagement et au renforcement de l’identité urbaine. (Dumesnil et Ouellet, 2002) Le projet de l’Emscher Park s’inscrit avec assurance dans cette vision durable de l’aménagement.

 

La réhabilitation de ces friches industrielles suit différentes avenues qui ont pour effet de consolider les tissus délaissés avec les tissus existants. Des projets culturels aux projets résidentiels, en passant par les développements commerciaux, paysagers et entrepreneuriaux, les sites industriels de la vallée de la Ruhr permettent des projets de reconversion ponctuels qui contribuent à la construction du grand projet d’ensemble de l’Emscher Park.

PROJETS À L'ÉCHELLE LOCALE

Des projets locaux à résonnance régionale

Projets culturels

 

Les bâtiments industriels ont avantage à être conservés et réadaptés à d’autres usages puisqu’ils sont, par définition, très flexibles. (Macquat, 2006) Leurs grands espaces et leur monumentalité les rendent particulièrement adaptés à une reconversion en espace culturel. Ayant été pendant plus de 100 ans des symboles de l’industrie dans la région, les vestiges industriels de la vallée de la Ruhr ont maintenant l’occasion de faire partie d’une stratégie de modernisation et de tourner ces symboles devenus négatifs avec le déclin de l’industrie en symbole positif. (Moraillon, 2009)

 

Le gazomètre d’Oberhausen est un bon exemple de reconversion d’un symbole de la monumentalité industrielle en bâtiment culturel. Pendant près de 20 ans, soit de 1927 à 1945, il servit à stocker les éliminations de gaz inutilisées par la cokerie de manière à pouvoir les réutiliser en cas de besoin. Il cessa officiellement ces fonctions en 1988 (Gasometer Oberhause, 2013). Grâce à l’IBA Emscher Park, le gazomètre put retrouver son importance dans la ville en devenant un lieu d’exposition hors-norme fortement identitaire pour les habitants. La flexibilité de son volume circulaire permet d’y tenir plusieurs évènements qui animent le quartier toute l’année. S’élevant à 117 m de hauteur, le gazomètre fut doté d’un point d’observation en son sommet, permettant une vue panoramique de la vallée. La réhabilitation de cette structure permet une meilleure lisibilité du territoire, s’inscrivant ainsi parfaitement dans les objectifs du projet de l’Emscher Park.

La cokerie Zollverein, décrite par Labelle comme la « cathédrale du travail », est un des symboles les plus forts de l’industrie minière de l’Allemagne (C. Labelle, 2001). Ce lieu fut adapté à de nouveaux usages culturels tels qu’un musée de la production du charbon, un centre d’exposition, un lieu communautaire et un restaurant haut de gamme. Des sentiers pédestres ont également été créés de manière à connecter le lieu avec les quartiers adjacents. De plus, l’illumination nocturne du monument fait partie des intentions de réinsertion de cette structure dans la ville et en fait un lieu lisible à distance, devenant ainsi un repère urbain. (C. Labelle, 2001). Étant donné la valeur fortement identitaire de ce site pour la population d’Essen (environ 8000 personnes y étaient employées à la fin des années1920), la nouvelle vocation de cette friche industrielle en lieu public est tout à fait logique (Unesco, 2013). En donnant un sens à cet espace abandonné, le projet s’ancre dans l’histoire du lieu et contribue au bien-être social des citoyens.

Tétraède de Bottrop
Land art et points de repère

 

En plus de la pollution des cours d’eau, le paysage de la Ruhr est marqué par plusieurs terrils. Il s’agit en fait d’amas de résidus d’excavation minière fortement contrastant dans le paysage. S’il s’agissait autrefois des symboles négatifs de l’exploitation minière, une dizaine entre eux ont été convertis afin qu’ils puissent agir positivement sur la perception du paysage. Pour se faire, l’ancien terril peut être converti en parc végétal, ce qui le rend accessible et plus intéressant aux yeux de la communauté (Lefevre, 2000). Dans un second temps, ces nouvelles collines vertes ont servi à la création d’oeuvres d’art s’inscrivant dans la mouvance du Land Art, ce qui modifie d’autant plus la perception de ces espaces par le public. L’exemple le plus probant est le tétraède de Bottrop où l’oeuvre de 60 m de haut repose sur un ancien terril de 90 m. Si les anciens terrils (de la même manière que d’anciens vestiges industriels) suscitaient des réactions de rejet de la population, ils deviennent maintenant des emblèmes pour les villes adjacentes. L’art devient l’intermédiaire entre l’utilisation passée et future du lieu (Ministère de l’Environnement, 2013) en le dynamisant, mais en offrant également des panoramas sur le territoire environnant. Ces panoramas deviennent des images ou représentations fortes du territoire dans lequel l’individu habite auquel il peut attacher une identité. 

 

Le parc paysager Duisburg-Nord

 

Le projet de restauration du site industriel de Duisburg-Nord est fortement ancré dans son histoire. Il transmet à la fois deux périodes de l’histoire du lieu : son passé agricole du 19e siècle ainsi que son passé industriel basé sur l’industrie du charbon et de l’acier ayant eu lieu au 20e siècle. Le parc de 230 hectares s’articule par une cohabitation de constructions industrielles adaptées à de nouveaux usages et de nature agissant comme connecteurs avec les secteurs environnants. Parmi les transformations du site, il est possible de noter la création d’espaces de loisirs comme un parc public au centre des cités ouvrières doté d’un mur d’escalade, une patinoire, de même que des espaces culturels tels qu’un théâtre et un cinéma.

 

Chacun de ces espaces contribue à la mixité d’usages qui peut s’opérer dans le parc. Les monuments industriels conservés servent de repères dans l’espace paysager qui se déploie tout autour. Il peut être constaté que « le parc consiste en différentes couches d’éléments conçus qui opèrent indépendamment du système du parc et qui aident à créer un sens de l’orientation qui fait d’un site extrêmement complexe une interprétation possible à l’échelle humaine. » (Stilgenbauer, 2005)  Il y a près de 30 ans, lors de la fermeture de l’aciérie, le site est devenu totalement fermé et inaccessible au public. En ouvrant ce parc par des percements dans les pourtours du complexe, le site devient un lieu culturel et naturel de traversée qui s’ouvre complètement sur la ville de Duisburg. De plus, la reconversion de l’ancienne voie ferrée en piste cyclable contribue à la connexion de ce projet dans l’ensemble du territoire, et par le fait même, du grand projet de l’Emscher Park.

Un paysage naturel de loisirs

 

Halde Rheinelbe
Des « forêts industrielles »: une alternative aux terrains fortement pollués

 

Sur d’anciens sites de production du charbon à l’abandon au centre de villes et dont la décontamination s’avèrerait trop coûteuse, il a été choisi de planter une forêt industrielle. L'ensemencement de bouleaux, saules et autres arbres vise une renaturalisation progressive du site en favorisant l’essor d’une nouvelle flore tout en minimisant la sécurité nécessaire à la gestion (Moraillon, 2009). La reconversion de l’ancienne mine Rheinelbe, à proximité du centre de Gelsenkirchen, est devenue un lieu très fréquenté dans la mesure où les anciens bâtiments servent de lieux communautaires et de centre d’interprétation sur les friches industrielles et l’industrie forestière. De plus, le site procure un vaste espace récréatif et naturel à proximité de la vie urbaine. 

 

Travailler dans le parc

 

Développement d’entreprises/technologies : Le Rheinelbe Science Park

 

Le projet de parc des sciences de Gelsenkirchen consiste en un centre d’affaires compétitif au niveau européen, qui encourage les entreprises qui oeuvrent dans le domaine des hautes technologies. L’objectif est d’attirer les entreprises avancées dans ce domaine pour qu’ensuite il puisse y avoir un transfert de ces connaissances dans la région. (MacDoal, n.d.) Le centre d’affaires se veut également une plateforme d’application de principes écologiques. Il contient, par exemple,  son propre centre de transformation de l’énergie solaire. 

Habiter l’Emscher Park

 

Bien que la demande en logement n’était pas un enjeu majeur lors de la mise en place du projet IBA Emscher Park, la question d’accroître l’offre et la qualité des logements dans la région est demeurée au cœur des préoccupations du projet. (Almaas, 1999) En effet, par la rénovation d’habitations d’ouvriers et par la construction de nouveaux logements, l’objectif était d’amener la population locale à considérer ces lieux post-industriels comme de possibles milieux de vie de qualité ancrés dans l’histoire du quartier. À cet effet, l’Emscher Park comporte environ 25 projets résidentiels, pour un total de 3000 logements, qui contribuent à la régénération du secteur.

 

 

Habiter le port

 

Le projet du Port intérieur de Duisburg transmet bien cette idée de redonner un attrait à un secteur industriel par la création d’un milieu de vie de qualité. Le plan d’ensemble, s’inscrivant au bord de l’eau, fut réalisé par Norman Foster, qui y fit cohabiter habitations, commerces, milieux de travail, espaces culturels et espaces verts.  Les programmes se rencontrent pour créer une mixité fonctionnelle intéressante. La conservation des bâtiments industriels fut également importante dans le projet. Des entrepôts furent réhabilités en immeubles résidentiels aux typologies variées, permettant ainsi une mixité sociale dans le nouveau secteur. Un grand parc créé agit d’ailleurs de plateforme commune de rencontres des différents habitants du secteur. (Gentges, 2011) La reconversion des friches industrielles de l’Emscher Park en milieux de vie s’inscrit bien dans une perspective de développement durable.

Habiter le parc
Siedlung Schüngelberg

 

Vers la fin du 19e siècle s’implante la mine Hugo à l’extérieur de la ville de Gelsenkirchen transformant le paysage par la venue du quartier ouvrier et du terril. Peu après, la rivière qui le longeait a été canalisée de la même façon dont l’a été l’Emscher. Menacé de démolition, c’est à la fin des années 80 que l’IBA propose une réhabilitation de ce territoire. Ainsi, le projet mise sur la rénovation et la mise en valeur des 300 logements existants désuets et sur la création de 200 nouveaux logements (Gentges, 2011). Ceux-ci s’inspirent de la typologie existante soit des petits bâtiments industriels et varient en taille pour répondre aux différentes clientèles. Un élément de Land Art est proposé au sommet du terril, rehaussant ainsi la perception de celui-ci et devenant un élément appréciable du quartier en alignant l’axe principal du développement vers le terril, malgré la trame concentrique du village existant. Il devient également accessible permettant une vue d’ensemble du quartier. Un espace vert public est proposé à la jonction de l’ancien et du nouveau, un espace qui s’inscrit dans la continuité de la trame verte de l’Emsher Park le long des axes nord-sud de l’intervention. Le terril devient un point d’ancrage à plus grande échelle en étant ceinturé d’une forêt et de sentiers reliant la ville aux réseaux cyclables. Finalement, les abords du village (rivière) deviennent des espaces verts luxuriants dans la mesure où tous les toits du quartier y déversent l’eau de pluie alors que le béton n’est plus présent pour empêcher le ruissellement naturel.

 

Philippe Charest, Catherine Gagnon Leblanc, Kevin Mark, Marie-Camille Richard

Travail présenté dans le cadre du cours Concepts et méthodes en Design Urbain (ARC 6033) à l'automne 2013

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