top of page
Accessibilité et interconnexion des projets par la trame verte

 

La perméabilité à l’échelle métropolitaine de la Ruhr peut se traduire par le niveau d’inter-connectivité entre les différentes villes dans les choix de mobilités. Comme le territoire possédait déjà un réseau de trains et d’autoroutes dense à la suite du développement de l’industrie, les projets d’IBA se sont intéressés aux transferts modaux au sein des gares existantes afin d’améliorer l’offre en transport en commun de ce territoire étalé et multipolaire. Les interventions ciblées ont misé sur l’importance accordée aux mobilités douces comme alternatives à l’automobile.

 

En ce sens, des sentiers cyclables et pédestres ont été conçus pour accompagner la trame verte qui ceinture la vallée de la Rhur, reliant les différentes villes entre elles. La requalification de la région de même que le parc paysager peuvent être vécus au quotidien par les habitants le long des sentiers aménagés. Concrètement, il s’agit de 230 km de pistes cyclables ainsi que de 130 km de sentiers pédestres qui traversent le parc paysager et longent les cours d’eau, alors qu’à l’échelle métropolitaine, c’est 700 km de voies destinées à la mobilité douce (Office de tourisme de la Ruhr, 2013). Il s’agit d’un fort contraste avec l’état précédent des berges où tout était clôturé. Les sentiers empruntent d’anciens chemins de fer, des routes à trafic faible, longent des rivières et traversent des forêts alors que les vestiges et les friches industrielles peuvent être désormais traversés et vécus par tous. 

 

PROJETS À L'ÉCHELLE RÉGIONALE

Complémentarité des projets

 

Selon Sieverts, qui a également contribué au projet de la Ruhr, l’étalement de la ville dans le paysage a fait en sorte que celui-ci est « devenu une figure façonnée. Inversement, la surface bâtie par sa taille et son caractère ouvert a pris les caractéristiques d’un paysage global. » (Sieverts, 2004 :17). Le postulat de base a donc été de considérer l’entre-ville, le cadre paysager de la Ruhr comme une extension complémentaire de la ville et non plus comme une opposition. Il s’agit d’investir l’entre-ville par l’activité anthropique tout en conservant son caractère naturel. Ainsi, une friche doit être perçue comme l’intermédiaire entre nature et culture, où la culture est définie avant qu’il puisse y avoir une occupation fonctionnelle et économique d’un site (Sieverts, 2004). En ce sens, on peut mentionner la variété de projets divers à l’échelle de la Ruhr qui sont liés dans l’optique d’un réseau multipolaire. Cette volonté transparaît notamment dans le projet de la route du patrimoine industrielle qui relie points d’ancrage (musées et anciens sites industriels requalifiés aux fonctions diverses), villages historiques, panoramas, parcs paysagers, mais également les lieux de vie du quotidien comme les piscines, théâtres et centres commerciaux. À ce titre, on peut mentionner l’initiative du Centr’O, le plus grand centre commercial d’Europe implanté en lien avec l’Emscher park. Ainsi, 50 % des gens qui visitent le centre culturel du Gazomètre situé à proximité vont également visiter le centre commercial qui verse des subsides au centre et en assure la rentabilité (Moraillon, 2009). Cependant, la taille du Centr’O fait directement compétition aux autres villes tout en rayonnant en dehors de la région (Moraillon, 2009). On peut aussi critiquer les 14 000 places de stationnement qui contrastent avec les visées écologiques de l’Emscher Park. Parallèlement, la reconversion de sites industriels en lien de travail et l’attrait du parc comme cadre de vie diversifient les usages des interventions par l’arrivée d’emplois du secteur tertiaire comme l’exemple du ShellSolar à Gelsenkirchen, la plus grande usine de production de panneaux photovoltaïques d’Europe. Finalement, tout le travail sur la mise en lumière des sites la nuit augmente leur capacité à être utilisé non seulement le jour, mais également en soirée. 

Mise en valeur d’une identité régionale

 

Les projets de l’Emscher Park se basent sur la capacité des citoyens à reconnaître le vaste territoire de la vallée de la Ruhr et à se repérer dans ce réseau de villes et d’entre-villes laissées en friches pendant plusieurs années. Les réhabilitations contemporaines de ce territoire dynamisent la perception du paysage en suscitant la curiosité, créant une imagibilité forte et devenant ainsi de nouveaux repères.

 

Comme les sites industriels de la vallée ont été fermés de l’espace public pendant de nombreuses années, une stratégie de lisibilité de ce territoire devait être opérée de manière à faire vivre le projet.  Ponctuant la nouvelle trame verte, les 24 sites industriels reconvertis constituent des points d’ancrage qui contribuent également à la lisibilité du territoire. « Des éléments cachés deviennent visibles. En devenant accessibles, ils s’intègrent dans le vécu quotidien. » (Sieverts, 2001) S’ils ne peuvent être situés aux jonctions importantes, ils doivent être visibles de loin, comme dans le cas des structures industrielles reconverties qui s’avèrent très visibles à l’échelle du territoire par leur monumentalité. Tout en étant source d’une nouvelle lisibilité du territoire, ils permettent de le rendre plus appréciable en offrant des cadres de vue sur celui-ci, le rendant ainsi intelligible dans son ensemble.

Renaturalisation des cours d’eau : Accès au territoire en le rendant appréciable

 

Hautement polluées et malodorantes, les eaux naturelles sont séparées des habitants par plus de 700 km de clôture. Afin de pallier à cette problématique, l’IBA de l’Emscher Park prévoit la construction de canalisations souterraines (400km) et de stations d’épurations des eaux afin de recueillir les eaux usées en amont de la rivière (Moraillon, 2009). L’intérêt pour le design urbain est tout le travail qui a été mis en place en parallèle pour revaloriser la nature et l’eau. Ainsi, plusieurs projets s’attardent aux réaménagements des canaux. Le béton est retiré pour permettre la perméabilisassions du sol et l’essor de la flore, alors que certains segments sont retracés afin de les rendre sinueux et partie intégrante du paysage naturel. L’aménagement de sentiers et de parcs le long des interventions en permet l’appréciation. Dans un second temps, une valorisation de la gestion des eaux de pluie a été faite dans plusieurs nouveaux aménagements afin de perméabiliser les sols, rehausser le niveau des nappes phréatiques et favoriser le ruissellement naturel des eaux vers les cours d’eau. L’ensemble d’habitations Siedlung Kupperbusch est un bon exemple où ces principes sont à la base de l’architecture (gouttières aériennes dirigeant l’eau vers un basin de rétention central). Il en va de même pour le parc paysager de Nordstern où l’aménagement de bassin de rétention devient synonyme de piscine par les plus jeunes (Lefevre, 2000).  Alors que l’eau suscitait des réactions de rejet, la requalification des cours d’eau charge le lieu positivement le rendant appropriable par les résidants. 

Reconversion agricole:
L’apport du paysage productif dans la préservation de l’espace ouvert

 

Si l’industrie a joué un rôle important dans l’essor de la vallée de la Ruhr, il en est de même pour l’activité agricole qui représente aujourd’hui 40 % de l’occupation du sol (produisant ⅕ de la consommation en nourriture de l’Allemagne) alors que 37 % du sol est urbanisé contre 17 % d’espace vert (Simon, 2010). En ce sens, quatre terrains faiblement pollués ont pu être reconvertis en terres agricoles. Cependant, peu d’effort a été mis sur cet aspect comparativement aux centaines de projets conservant la valorisation de la nature et du patrimoine industriel. Si l’implantation d’une trame verte est exemplaire dans le cas de la Ruhr, on constate une régression du paysage agricole. En 2011, 17 hectares par jour de terres agricoles ont été détruits pour faire place à l’urbanisation (Ministère de l’Environnement, 2013). Ce qui peut remettre en question l’efficacité de certains projets de requalifications urbaines visant à densifier l’habitat. Même si la région se dote de règlements de plus en plus restrictifs en matière foncière, un travail de valorisation des terres agricoles similaire à ce qui a été fait pour l’Emscher park devrait s’amorcer. L’agriculture peut être vecteur de sociabilité et d'identité pour une communauté, en plus de répondre à plusieurs enjeux durables tels que de contribuer au maintien de l’espace ouvert, décourager l’étalement urbain et aider une économie locale en produisant une offre alimentaire locale. 

Philippe Charest, Catherine Gagnon Leblanc, Kevin Mark, Marie-Camille Richard

Travail présenté dans le cadre du cours Concepts et méthodes en Design Urbain (ARC 6033) à l'automne 2013

bottom of page