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Après 10 ans d’effort, 5 milliards de Deutsche marks investis et 120 projets réalisés, la démarche de l’IBA de l’Emscher demeure délicate à évaluer considérant la grandeur du territoire et les nombreuses variables de l’équation. Près de 20 ans après la fin de l’intervention, aucun rapport socioéconomique officiel ne relate les impacts réels du projet. Il est difficile d’identifier clairement les améliorations à l’échelle territoriale, étant donné l’impact indirect ou l’effet à long terme de certaines actions (Gentges, 2011). Cela dit, il est possible d’évaluer sommairement l’atteinte ou l’échec des objectifs généraux définis lors de l’établissement du projet.

 

En ce qui concerne l’enjeu paysager, l’aménagement d’une trame verte traversant la vallée de la Ruhr d’est en ouest ne résout pas complètement les problèmes liés à la lisibilité et la continuité paysagère. Les principales critiques déplorent une continuité qui semble se dévoiler uniquement dans les sentiers et les pistes cyclables et l’interconnexion des espaces verts demeure difficilement perceptible (Gentges, 2011). Ce manque de lisibilité découle entre autres de la difficulté d’assurer la perméabilité à travers certains complexes industriels toujours en opération (Moraillon, 2009). Sur une note plus positive, la démarche entamée en 1989 par l’IBA pour la création du parc paysager trouve des échos encore aujourd’hui. Des extensions du parc paysager vers le sud et le nord-est ont été envisagées et une meilleure gestion du parc est prévue afin de resserrer les continuités de celui-ci

 

Central dans la démarche, l’enjeu environnemental s’est principalement concrétisé par l’assainissement de la rivière Emscher. Considérant que seulement 17 km ont retrouvé leur état naturel et que 60 km d’égouts ont été construits sur les 400 nécessaires, on ne peut cependant pas parler d’un succès retentissant (Moraillon, 2009). Mais à défaut d’avoir été complété lors de l’IBA, la réhabilitation de l’Emscher se poursuivit aujourd’hui, notamment par le projet du Parc paysager de l’Emscher 2010, qui entrevoit revitaliser 170 km supplémentaires d’ici 2020 (Gentges, 2011). Qui plus est, la stratégie environnementale de l’IBA a permis l’instauration d’une sensibilité aux enjeux écologiques, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables et la décontamination des sols.

 

Quant à l’enjeu social et sa concrétisation dans la revalorisation du patrimoine industriel, l’effet de l’IBA est remarquable. Le changement d’image de la Ruhr a permis à la population de trouver une nouvelle fierté concernant l’héritage industriel. De nouvelles fonctions culturelles sont venues revaloriser les complexes industriels et sont devenues des moteurs du développement touristique. À titre d’exemple, certains musées accueillent jusqu’à 450 000 visiteurs annuellement et la ville d’Essen, une des grandes agglomérations de la Ruhr, a reçu le prix de la Capitale Européenne de la Culture en 2010 (Gentges, 2011).

 

Dans le but d’inverser la décroissance démographique et d’augmenter la qualité de vie dans la région, l’IBA a mis sur pied une politique nommée « habiter dans le parc ». À ce propos, le bilan est mitigé : de nombreux projets d’habitation ont vu le jour (3000 logements recyclés et 2500 logements neufs), mais la mixité sociale escomptée est remise en doute (Moraillon, 2009). Au-delà de ces bienfaits, le changement d’image a provoqué un embourgeoisement et les nouvelles activités proposées dans la Ruhr s’adressent principalement à des groupes élitistes, loin de la culture ouvrière de la Ruhr. (Moraillon, 2009)

 

Afin d’attirer de nouveaux capitaux dans des secteurs autres qu’industriels, l’IBA a instauré un programme intitulé « travailler dans le parc ». Pourtant, le bilan économique est décevant dans son ensemble. Le taux de chômage de la région demeure encore élevé à 10.3 % en 2008 et la réponse des investisseurs privés n’a pas été aussi importante qu’escomptée (Gentges,2011). Les nouveaux pôles d’emploi se sont créés dans des secteurs spécialisés de recherche scientifique et d’innovation, ce qui a exclu de facto une tranche importante de la population provenant du secteur ouvrier (Moraillon, 2009). C’est d’ailleurs une des lacunes notoires de l’IBA qui n’a pas prévu de programmes de formation pour les anciens employés des usines désaffectés, afin de les intégrer aux nouveaux secteurs d’activité de la Ruhr. Plus positivement, il est possible tout de même de mentionner la création de nouveaux pôles d’emploi et la venue de 10 sièges sociaux des 100 plus grandes entreprises allemandes (Chaire en paysage et environnement de l’Université de Montréal, 2010). 

Critique et bilan

Philippe Charest, Catherine Gagnon Leblanc, Kevin Mark, Marie-Camille Richard

Travail présenté dans le cadre du cours Concepts et méthodes en Design Urbain (ARC 6033) à l'automne 2013

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